THÉÂTRE DE GÉNÉTIQUE BIO-AFFECTIVE
Dans ses mises en scène où elle performe devant la caméra, l’autoreprésentation laisse place au groupe puisqu’elle use de diverses techniques pour s’invisibiliser. Par des compositions complexes, des maquillages et des costumes, elle se démultiplie pour noyer l’individu et mettre de l’avant un cadre contraignant ou une histoire tracée à l’avance. L’équilibre des compositions est rassurant, alors que de près, les interactions entre les corps déclenchent un frison dans l’échine. C’est de plus près, en observant le dialogue créé entre les femmes, que l’on réalise la complexité des relations qui les habitent. Tantôt torturées, festives, révoltées, satiriques ou burlesques, ces mères/filles/militantes sont à la fois prétexte et motifs des rêves, des désirs et des inquiétudes contemporaines.
Inspirée par les regroupements féminins comme le Cercle des Fermières, les sororités, les religieuses et les sorcières, le travail de Baillargeon contient le cri étouffé de générations de femmes. La sexualité, l’effacement des femmes dans le quotidien et l’identité individuelle qui s’estompe au profit du collectif sont des questions qui obsèdent l’artiste depuis ses débuts. Elle pose la question ce qui lie le féminin ensemble et ce qui le restreint. C’est donc dans une perspective féministe et historique que l’œuvre de Baillargeon s’inscrit. Groupuscules féminins, cérémonies, rituels, initiations, militantisme, maternité, intimité sont abordés dans ses œuvres qui se déploient comme une quête. Rites de passage religieux et païens sont mêlés sans distinction dans ces paysages intérieurs puissants, parfois punk, souvent intime et transcendant. De par cet amalgame anatomique, l’artiste échafaude une cosmologie existentialiste autour du féminin, menant vers des questionnements introspectifs presque spirituels.
Texte: Jeanne Couture
Egg&slime,
2005-2021
Performance, Impression jet d'encre,
aquarelle et acrylique
Crédit: Étienne Boucher