ADVERSITÉS
Les photomontages d’Annie Baillargeon créent des espaces singuliers et multivalents qui se déploient autour d’un imaginaire fécond. C’est par un effet de collage, autant technique, figuratif que symbolique, qu’elle conjugue les niveaux de lecture et donne corps à un langage poétique dont le ravissement esthétique est indéniable. La subtilité et la finesse de son travail viennent du fait que les univers inventés sont soutenus par un malaise latent qui met en tension l’individu pour mieux révéler ses forces et ses fragilités.
Dans la série Adversités (2011), des corps anonymes dispersés dans l’espace se replient, se retournent et se contorsionnent. Ils donnent souvent l’impression de se débattre dans la matière pour faire face aux éléments. Alors que, dans Refuge, une jeune femme semble lutter pour ne pas se noyer dans l’immensité liquide, dans Le nid, elle tente d’échapper à l’invasion végétale, quitte à l’écimer dans La décapitation. Dans ce corpus, l’adversité ne relève pas d’un sort. Elle se manifeste sous la forme d’une résistance agitée face à l’autre envahissant. Est-ce à dire qu’elle serait un mal nécessaire pour se dégager d’une altérité intrusive ?
Bien que l’on ne puisse s’empêcher de ressentir un malaise face à ces corps qui se démènent, les photomontages de Baillargeon dégagent un calme intense et une quiétude profonde. Est-ce parce que certains d’entre eux, détendus et relâchés, s’offrent à notre regard dans un total abandon ? Cette plénitude se propage dans l’œuvre de l’artiste jusque dans notre propre corps pour nous ravir dans une douce contemplation méditative.
Texte: Émilie Granjon
Feu
2021
Impression numérique